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Monsanto sur le banc des accusés d’un tribunal international

Afin d’ouvrir l’accès à la justice aux victimes de l’agrobusiness et de lutter contre l’impunité des multinationales, des figures de la société civile ont lancé l’idée d’un tribunal international pour juger Monsanto. Soutenu par 200 organisations, dont le CCFD-Terre Solidaire, le procès symbolique et exemplaire se déroulera à La Haye du 14 au 16 octobre 2016. À travers la firme américaine Monsanto, c’est tout le système agro-industriel qui est visé.

Auteur(s) : Violaine Plagnol

Monsanto… Entreprise la plus honnie de la planète ? Des marches mondiales contre la firme américaine se multiplient depuis quatre ans, des plaintes s’accumulent. Fleurissent aussi des pétitions et des manifestations de par le monde. La firme a été parfois condamnée à verser des indemnités. Des batailles politiques acerbes se livrent aux États-Unis, en Europe, en Afrique, en Inde… Et maintenant, un tribunal international contre Monsanto entend juger la compagnie pour ses atteintes aux droits fondamentaux des populations ! Alors que le glyphosate – principe actif du Roundup, le produit phare de la société – est sur la sellette en Europe [1], certains sonnent déjà l’hallali du mastodonte industriel. Rien n’est moins sûr.

En effet, forte en 2015 d’un chiffre d’affaires de 15 milliards de dollars et d’un bénéfice net de 2,3 milliards de dollars (tous deux en repli pour la première fois depuis 2010), la multinationale, leader mondial des semences, ne semble pas ébranlée par ces multiples attaques. Courtisée par la concurrence, le géant allemand Bayer a même proposé plus de 60 milliards de dollars pour son rachat.

Deux poids, deux mesures…

Mais à qui bénéficient tous ces milliards ?

« Au Burkina Faso, la firme Monsanto a arnaqué les pauvres paysans producteurs de coton. Ils ont été matraqués par la rhétorique de l’augmentation des rendements agricoles et des revenus du coton Bt génétiquement modifié », regrette Jean-Paul Sikeli, secrétaire exécutif de la Copagen [2]., partenaire du CCFD-Terre Solidaire.

«  Le résultat a été désastreux : la mauvaise qualité de la fibre associée à la faiblesse des rendements a contraint le pays à réduire puis à abandonner cette culture pour la campagne 2017-2018 », poursuit-il.

Intoxiqués par des pesticides, expulsés de leurs terres, privés d’autonomie économique… À l’instar des cotonculteurs burkinabè, ils sont nombreux à travers le monde à être victimes de Monsanto ou du système agro-industriel en général. Car, à travers la firme américaine, c’est bien tout un paradigme économique qui est visé par le tribunal contre Monsanto. Ce modèle agro-industriel serait responsable, selon les organisateurs, d’au moins un tiers des émissions de gaz à effet de serre dues à l’activité humaine dans le monde.

Face à ces violations et à l’impunité des multinationales, quelques personnalités de la société civile ont imaginé un tribunal symbolique. Sont de la partie notamment la journaliste et réalisatrice du documentaire Le Monde selon Monsanto, Marie-Monique Robin, marraine de l’initiative, ainsi que la célèbre écologiste indienne, Vandana Shiva, et Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, actuellement professeur de droit à l’Université de Louvain. Plus de 200 organisations, dont le CCFD-Terre Solidaire, soutiennent cette démarche originale.

Pourquoi un tribunal ?

« Pour la majorité des victimes de ce modèle agro-industriel, il est impossible d’avoir accès à la justice. Notamment à cause de la disproportion des moyens financiers. Mais aussi parce que souvent les petits paysans n’ont ni l’éducation ni la culture nécessaires pour ce type de démarches longues, coûteuses et techniques », explique Arnaud Apoteker, coordinateur du tribunal Monsanto.

« L’idée de créer un cadre collectif pour les victimes afin de porter des actions au civil devant une instance juridictionnelle, fût-elle symbolique, est à saluer quand on sait que les procédures sont parsemées d’embûches », se réjouit Jean-Paul Sikeli.

Sous la supervision du professeur de droit Olivier De Schutter, des groupes de travail sont en train d’examiner les dossiers des victimes et identifient les chefs d’inculpation. Ils étudient les impacts des activités de Monsanto autour de six grands axes : le droit à un environnement sain ; le droit à la santé ; le droit à l’alimentation ; la liberté d’expression ; la liberté de recherche académique et enfin le crime d’écocide [3].

À la fin des audiences, le tribunal produira des conclusions juridiques étayées et réutilisables devant des juridictions nationales ou internationales existantes. En quelque sorte, il alimentera une forme de jurisprudence. En outre, « le tribunal examinera la responsabilité pénale des dirigeants de multinationales comme Monsanto qui échappent jusqu’à présent à toute poursuite en raison de la non-existence de tels mécanismes », précise Jean-Paul Sikeli de la Copagen.

Ni une parodie, ni un procès à charge

Il ne s’agit ni d’une parodie ni d’un procès à charge. Un collège de plusieurs juges internationaux compétents sera réuni. Ils recueilleront les témoignages d’une vingtaine de plaignants venus de tous les continents. Les juges entendront également la plaidoirie d’un « avocat » de Monsanto car « la défense de l’entreprise doit pouvoir s’exprimer », insiste Arnaud Apoteker. À ce jour, on ne sait pas encore sous quelle forme car la compagnie contactée par le comité d’organisation n’a pas encore répondu. Cette juridiction s’appuiera sur des normes reconnues du droit international, à savoir les Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme ainsi que le statut de Rome qui régit la Cour pénale internationale (CPI).

En parallèle du tribunal, se tiendra une assemblée des peuples accueillant forums et ateliers. Ce sera un espace de convergence et de construction pour les mouvements mobilisés sur les questions des semences, OGM, pesticides, multinationales…

« Le tribunal jugera des dossiers bien ficelés, tandis que l’assemblée des peuples permettra aux acteurs de la société civile d’échanger et de débattre », explique Jean-Paul Sikeli.

La Copagen devrait en principe prendre une part active aux deux événements.

Et après ? Au-delà du symbole, le tribunal devrait avoir une portée dissuasive : « Nous espérons que cette initiative contribuera à freiner les ardeurs des promoteurs des OGM et à décourager les firmes aux activités criminelles », lance Jean-Paul Sikeli. Quant à Arnaud Apoteker, son souhait est de pouvoir appliquer les jugements portés à La Haye ailleurs dans le monde et contre d’autres multinationales. En d’autres mots « d’essaimer », en séparant le bon grain de l’ivraie.

 

ccfd2contact : Laurent Basire

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