. Mgr Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, répond aux questions de « Lavie » sur les enjeux de cet événement dans le contexte de la crise que traverse l’Église.
Emmanuel Gobilliard est l’un des quatre évêques français choisis pour le synode sur « les jeunes, la foi et le discernement des vocations », qui se tiendra à Rome du 3 au 27 octobre. Aujourd’hui évêque auxiliaire de Lyon, il a été auparavant recteur de la cathédrale du Puy-en-Velay (Haute-Loire) et a séjourné un an à Madagascar comme enseignant au séminaire et animateur de jeunes. Il a annoncé qu’il consacrerait son intervention aux questions de sexualité, dont il est devenu un des porte-parole depuis un texte très lu sur le célibat des prêtres et un livre d’entretien avec la sexologue Thérèse Hargot (Aime et ce que tu veux, fais-le !, Albin Michel).
Dans le contexte de la crise des abus sexuels commis par le clergé, et alors que le pape et certains évêques sont directement mis en cause, le synode peut-il se tenir sereinement ?
Je ne sais pas encore. Cela secoue beaucoup l’Église en profondeur. Mais j’ai pu constater cet été, au contact de jeunes, que la façon dont ils appréhendent ces questions n’est pas la même que pour les adultes. Le jeune n’est pas, par définition, tourné vers le passé. Bien sûr, il est très choqué par ce qu’il s’est passé, mais il va plutôt nous demander : « Que proposez-vous pour qu’à l’avenir cela ne se reproduise pas ? » Le jeune est naturellement attentif à la formation des prêtres dans les séminaires, des religieux, aux questions de sexualité. Ils nous disent beaucoup : « Nous voulons une maison sûre, solide. » Le meilleur moyen pour que ce synode se passe bien, c’est qu’on s’approprie ces questions de jeunes qui nous tournent vers l’avenir.
Pendant le synode, je consacrerai mon intervention à la sexualité.
Ne craignez-vous pas que les discussions entre évêques soient envenimées par les interrogations sur les responsabilités de chacun dans cette crise ?
Les quatre présidents délégués au synode viennent de Papouasie-Nouvelle Guinée, de Madagascar, de Rangoun et d’Irak. D’une manière générale, le pape aime qu’on ne se concentre pas uniquement sur les vieux pays catholiques, mais qu’on respire et qu’on trouve peut-être une espérance nouvelle, y compris sur ces questions d’abus sexuels, auprès de conférences épiscopales qui semblent moins concernées par la question, même si elles le sont peut-être aussi… Mais ces conférences épiscopales ont aussi besoin de s’exprimer. Et pour l’instant, elles n’entendent parler que de l’Europe et des États-Unis. Il y a un mouvement à faire pour leur laisser la parole. Nous verrons bien ce qu’elles auront à nous dire.
Comptez-vous aborder le sujet des abus sexuels pendant le synode ?
Je consacrerai mon intervention (quatre minutes de temps de parole dévolues à chaque père synodal en assemblée plénière, ndlr) à la sexualité. Je n’apporte pas de réponses, mais je vais essayer de secouer les uns et les autres sur la façon dont on peut changer notre manière de vivre ces questions-là dans les diocèses, les séminaires, les lieux de formation… Par exemple, comment on discerne un appel à la vocation ; comment on vit le célibat de manière équilibrée, profonde, vivante ; comment on intègre la question de la sexualité au célibat, parce qu’on a longtemps considéré qu’il n’y avait aucun rapport entre les deux dans l’Église. C’est un problème qui devient étouffant. Il faut respirer par rapport à cela, ce sera mon angle.
Cette crise est une chance pour l’Église parce que la révélation du péché porte en elle-même un véritable soulagement pour les victimes.
Comment l’Église peut-elle s’adresser aux jeunes, qui sont en attente d’une Église « qui brille par son exemplarité » selon les termes du document de travail du synode, alors qu’elle traverse une crise profonde de crédibilité ?
On ne sait pas où remonter dans l’histoire de l’Église pour analyser ce péché de la pédophilie, mais on sait que quelque chose qui a été occulté tout à coup se révèle. C’est une chance pour l’Église parce que la révélation du péché porte en elle-même un véritable soulagement pour les victimes. La Bible, l’histoire du roi David par exemple, nous enseigne que quand le péché est révélé, l’action de la miséricorde peut enfin s’exprimer à l’égard des victimes. Le bon Dieu peut faire son travail.
Aux jeunes nous pouvons dire que nous sommes secoués, qu’en ce moment tout éclate, mais que c’est quand même nettement mieux qu’une situation où tout était caché. Maintenant que nous sommes au fond, nous allons peut-être pouvoir vivre ces questions de façon réaliste, et non plus de façon idéalisée et fausse. Comment imaginer qu’il y ait quelques extraterrestres, saints, parfaits, qui ne seraient pas touchés par les questions de sexualité ? C’est stupide et contreproductif ! Et c’est ce que dénonce le pape dans son exhortation apostolique sur la sainteté.
Donc, il ne faut pas être dans l’attitude de se dire que tout est foutu. Il y a une véritable progression. Je pense que nous sommes capables de le faire entendre et que les jeunes sont capables de l’entendre. On ne peut rien construire sur du mensonge et de la duplicité. En revanche, on peut construire sur du réalisme et de la vérité, même si elle fait très mal.
Plus largement, que voulez vous porter comme parole au synode ?
J’aimerais qu’on arrête de faire une différence entre l’Église et les jeunes. J’en ai assez qu’on « fasse une place aux jeunes », ou bien qu’on se dise « on va leur donner 10% de la liturgie, comme ça ils seront contents et on les aura calmés ». Ils font partie de l’Église.
Je pense qu’on va être guéri par les autres conférences épiscopales. À Madagascar, où la moyenne d’âge est de 17 ans, la problématique est plutôt de savoir comment les jeunes accueillent les vieux ! C’est très enrichissant de voir une conférence qui est confrontée à une trop grande affluence de vocations et où toutes les instances de gouvernance sont occupées par des jeunes. Nous serons très surpris des résultats du synode. Peut-être que certaines de nos attentes de vieux pays catholiques ne seront pas réalisées.