Cercle de silence

Regardons-les ces migrants ….

Regardons-les ces migrants sur les ponts des navires,
desséchés par la soif et la faim, regardons-les.

Ils ne sont pas des étrangers.
Ils ne sont pas des envahisseurs.
 
Ils sont nos semblables. Ils sont notre famille.
J’ai été l’un d’eux jadis, quand ma mère nous a emmenés  mon frère et moi,
traverser la France pour fuir la guerre.
Nous n’étions pas des demandeurs d’asile : il n’y avait pas d’asile.
Nous cherchions un endroit pour survivre.

La pauvreté et la faim sont des états de guerre.
Ceux qui les fuient ne sont pas des réfugiés ni des demandeurs d’asile.
Ils sont des fugitifs.
 
S’il est avéré que pour faire déguerpir les migrants,
les milices crèvent leurs tentes;
s’il est avéré qu’on pourchasse les misérables
comme s’ils étaient des chiens errants.
 
Eh bien, cela est dégueulasse,
il n’y a pas d’autre mot.

JMG Le Clézio
écrivain, prix Nobel de littérature